Ce n’est, maintenant, plus un secret, pour une grande majorité d’entre nous, les deux grandes parenthèses qui ont interrompu l’histoire de nos ancêtres kamits, que sont l’esclavage, et la colonisation, ont eu des conséquences sur notre psychisme. En effet, cela, a d’une part, modifié notre ADN, en nous transmettant les traumatismes précédemment subis. Et d’autre part, a considérablement modifié la perception que nous avons de nous-même, face au monde extérieur. D’ailleurs, comme le disait le grand Malcolm X : « Qui vous a appris à vous détester ? ».
Cette perception négative de nous-même, est, malheureusement, devenue dans l’esprit de certains, une triste réalité, que les discours entretenant le « nèg kont’ nèg », ne font que perpétuer, et, elle porte un nom : « l’aliénation ».
Le mot aliénation, est un nom féminin, qui vient des mots latins « alienatio » (aliénation, cession, vente), « alienare » (aliéner, vendre, céder), « alienus » (qui appartient à un autre, étranger), et « alius » (autre). Mais, concrètement, l’aliénation ne pourrait-elle pas être assimilé à un virus, qui s’attaque à la perception que nous avons de nos cultures, de façon à reproduire un schéma de pensée qui n’est, à l’origine, pas le nôtre, mais qui a pour objectif de voir nos frères, ou nos sœurs, comme nos ennemis ?
Sommes-nous vraiment sortis de l’aliénation ?
L’occasion de rendre hommage à notre frère, l’illustre historien, anthropologue, et docteur en sciences sociales, spécialisé en chimie nucléaire au Collège de France, Cheik Anta Diop, qui a été l’un des premiers à démontrer, par ses écrits, que l’Egypte antique était « noire ».
Pourtant, malgré les nombreux travaux réalisés par notre frère, et ses successeurs, forcé de constater que l’aliénation est belle et bien toujours présente. Certes, de plus en plus d’hommes, et de femmes afro, se disent conscients, éveillés, à l’instar de personnes qui auraient été labélisé, et dont la parole serait une vérité « universelle ». Mais, dans le même temps, certaines, parmi elles n’hésitent pas à se joindre à la meute « coloniale », dès que la tête d’un frère, ou d’une sœur, commence à dépasser.
Cible de nombreuses critiques, misogynes, voir racistes, sur les réseaux sociaux, notre sœur, Aya Nakamura, qui vient de sortir son troisième album, et est adoubée par le « New York Times », connait un succès international indéniable. Alors, concrètement, que lui reproche-t-on ?
Que reproche-t-on à Aya Nakamura ?
Pour répondre à cette question, il est primordial d’avoir à l’esprit, que la France est un ancien empire colonial, qui s’est bâti sur le pillage des pays colonisés, et qui n’a jamais, réellement, accordé le statut d’être humain aux personnes peuplant ces terres. Il est, maintenant, plus facile de comprendre, pourquoi le succès d’une jeune femme a la peau noire, originaire de Bamako, au Mali, dérange autant. Il est évident qu’une société, où le racisme ne dit pas, ouvertement, son nom, trouvera, toujours, des subterfuges pour véhiculer ses attaques.
Il est vrai qu’il est plus, politiquement, correct, d’écorcher son nom, comme l’a fait Rastapoupolos (Oups, désolé, je voulais dire Nikos Aliagas), de dire qu’elle ressemble à un homme, ou qu’elle chante de la « merde », plutôt que dire « y’en a marre de cette négresse ».
Dans ses chansons, Aya Nakamura mélange l’argot, le verlan, le wolof, et crée son propre langage, que tout le monde ne comprend pas forcément. Mais, est-ce pour autant normal, de la qualifier de merde ? Pour rappel, Renaud a fait toute sa carrière en chantant en argot, et Michaël Youn, dans l’un de ses titres, a inventé des paroles qui ne veulent, strictement, rien dire. Mais, aucun des deux n’a été taxé de chanter de la merde. Parce que ce sont des hommes blancs, vous dites ? Non, le privilège blanc, n’existe pas, voyons…
Qu’en est-il, à présent, des soient disant « afro conscients », qui, au lieu de respecter, sans forcément, applaudir, le succès d’une sœur, se font, le relais, sournois, de ce lynchage ? Car, là où, certains, des nôtres voient une « femme noire » qui se la raconte, le monde des médias franco-français, un modèle à détruire. Un peu, comme l’avait fait, en son temps, Napoléon, en s’en prenant à Haïti.
Tout est, donc, finalement, une question de regard, et où on place le curseur. Aujourd’hui, la « victime » s’appelle Aya Nakamura. Hier, c’était Patrice Evra. Et demain, ce sera, peut-être, vous ou moi, ne l’oublions pas…
Olivier Lowijinal’ Bique